Les gens veulent-ils encore travailler?

Les dirigeants et décideurs doivent composer avec une nouvelle réalité : comment attirer les talents, fidéliser les employés et stimuler la performance alors que les priorités et attentes se transforment rapidement ? Le véritable défi réside dans l’équilibre entre des objectifs quantitatifs, dictés par les impératifs de rentabilité, et des besoins qualitatifs qui répondent aux attentes individuelles, collectives et sociétales.

Chez Hoffman, nous comprenons ce qui est en jeu. Nous observons ces tensions au quotidien. Les processus de recrutement s’allongent et se complexifient. Le fossé entre les candidats et les organisations se creuse, et pour le combler, il faut réimaginer complètement les liens qui les unissaient autrefois. Une chose est certaine : il n’existe pas de solution universelle.

Denis Gallant, Jean-Michel Lucas et Stefaan Verduyn, Partners chez Hoffman, analysent les nouveaux moteurs de motivation pour aider à repenser l’« expérience employé », traiter de front les principales sources d’insatisfaction et atténuer les effets coûteux du désalignement.

RIEN N’EST PLUS COMME AVANT : un changement de paradigme
1. LE DÉCLIC : DU COVID-19 AU GRAND TURNOVER
Avec le recul, la pandémie du COVID-19 n’a pas seulement perturbé les habitudes : elle a marqué un tournant décisif qui a déclenché ou accéléré des changements profonds. Aux États-Unis, elle a donné naissance à la « Great Resignation », une tendance qui a rapidement fait écho à travers l’Europe, provoquant une vague de démissions volontaires fin 2022. Malgré le retour rapide à l’emploi pour beaucoup – une dynamique mieux connue en Europe sous le nom de « Great Turnover » – les analystes soulignent à juste titre que les pénuries persistantes de main-d’œuvre et la sélectivité croissante des employés pourraient inciter les entreprises à augmenter les salaires, les avantages et les conditions de travail pour attirer et fidéliser les talents (1).

2.  UN NOUVEAU PAYSAGE : CARRIÈRES FLUIDES, PARCOURS FRAGMENTÉS
L’évolution des attitudes envers le travail se traduit par de nouveaux modes d’organisation et des parcours professionnels en mutation. Le télétravail et les horaires flexibles sont désormais largement acceptés… et attendus. L’économie des petits boulots, le « freelancing » et les contrats intérimaires continuent de croître. L’augmentation des congés sabbatiques et des arrêts maladie, particulièrement marquée chez les jeunes, est statistiquement si significative qu’elle soulève des questions sur la motivation (2). En Belgique, les congés de moyenne et longue durée ont atteint des niveaux records, avec 5,89 % des travailleurs en arrêt maladie au premier semestre de l’année, contre moins de 4 % il y a dix ans (3). La fragmentation caractérise également les carrières, les reconversions devenant de plus en plus fréquentes à mesure que les individus redéfinissent la réussite face aux incertitudes économiques et à l’évolution de leurs aspirations.

Dans ce paysage en recomposition, les organisations axées sur le sens gagnent du terrain, mais non sans défis (4).

“Nous devons comprendre les forces du changement : les cadres envisagent l’Interim Management de plus en plus tôt dans leur carrière, le travail à temps partiel est en hausse, certains recherchent des alternatives au statut de salarié et ceux dans la cinquantaine ou soixantaine réfléchissent à des fins de carrière porteuses de sens… De manière générale, chacun pense davantage à l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle ainsi qu’à la quête de sens dans le travail.” Stefaan Verduyn

3. L’AVENIR : REDOUBLER D’EFFORTS DANS LA QUÊTE DE SENS
Alors que les attitudes évoluent et que l’emploi devient de plus en plus fluide, l’introduction – ou plutôt la perception – de l’IA comme force concurrente jette une ombre sur l’avenir du travail en quête de sens (5).

Quel rôle les humains joueront-ils dans un avenir dominé par l’IA, alors que l’automatisation s’étend chaque jour un peu plus ? Comment les organisations peuvent-elles garantir que le travail reste digne et porteur de sens, sachant que l’IA peut aussi bien l’enrichir que le vider de sa substance ? Cette question est centrale, car les moteurs de la satisfaction et de la motivation ont évolué, gravitant désormais – comme nous le verrons – autour de l’autonomie, de la maîtrise et de la connexion (6).

UN VOYAGE D’HIER À AUJOURD’HUI : COMPRENDRE CE QUI MOTIVE LES GENS À TRAVAILLER

1. SE CONCENTRER SUR LA SATISFACTION AU TRAVAIL
Commençons par poser les bases avec les facteurs déterminants qui font que les gens restent engagés ou bien s’en vont. La satisfaction au travail repose sur des conditions essentielles favorisant le bien-être. Lorsqu’elles sont absentes, le « turnover » devient inévitable. Une étude néerlandaise récente, menée dans le sillage de la « Great Resignation », met en avant trois éléments clés que les organisations ne peuvent se permettre d’ignorer (7) :
La puissance du lien social. Un environnement positif et bienveillant entre collègues est le socle de la satisfaction au travail, surpassant même une rémunération attractive. À l’inverse, une culture toxique, un mode de gestion ou un style de leadership peuvent empoisonner les package salariaux les plus attrayants.
La valeur de la reconnaissance … Sans surprise, les employés qui se sentent réellement valorisés sont plus engagés et investis. Sans cela, l’insatisfaction s’installe, renforçant l’envie de quitter.
… et la liberté de s’épanouir. La possibilité de gérer ses tâches à sa manière et de préserver un bon équilibre entre vie professionnelle et personnelle est particulièrement recherchée. Cependant, pour certains, un excès de télétravail peut transformer cette liberté en isolement, nuisant ainsi à la satisfaction et au besoin de lien social.

Enfin, il ne faut pas sous-estimer les différences générationnelles : les générations Y et Z affichent globalement des niveaux de satisfaction plus faibles, même lorsque leur rémunération est jugée adéquate.

2.  LES MOTEURS DE MOTIVATION : AVANT
Il va sans dire que les moteurs de motivation ont considérablement évolué. Alors même que les professionnels expérimentés en ressentent l’impact, ce changement est parfois si marqué qu’il crée parfois un véritable fossé générationnel, laissant les plus âgés perplexes face aux choix (8) de carrière de leurs enfants. Pendant des décennies, la motivation suivait un schéma structuré, principalement basé sur des récompenses extrinsèques :
Le filet de sécurité de la stabilité. Un salaire régulier, des avantages sociaux complets et la sécurité de l’emploi constituaient les piliers de l’engagement et de la fidélité des employés.
Le prestige de la promotion. Les symboles de statut comme les promotions et les titres de fonction étaient des marqueurs d’accomplissement et alimentaient l’ambition.
Croissance progressive vs. mobilité. C’est ce que l’on peut appeler le modèle de carrière linéaire ou d’expertise. Le succès se définissait par une progression claire et ascendante, en gravissant  les échelons hiérarchiques avec une évolution prévisible des responsabilités et une croissance verticale des connaissances.

3. LES MOTEURS DE MOTIVATION : APRES
Qu’en est-il aujourd’hui ? Qu’est-ce qui se cache derrière ce supposé « désenchantement » ? Les moteurs de motivation intrinsèques prennent désormais le pas sur les facteurs extrinsèques. Cela ne signifie pas que la rémunération, par exemple, a perdu de son importance. Comme nous en avons discuté dans un précédent article, les stéréotypes générationnels peuvent être trompeurs. La rémunération est désormais perçue comme un prérequis de base, mais elle est liée à des besoins évolutifs et à des motivations plus profondes :
L’impératif de flexibilité. Le travail à distance et les modèles hybrides ne sont plus de simples avantages, mais des moteurs de motivation essentiels — dans certaines limites. La possibilité de travailler de n’importe où permet aux employés de mieux concilier vie professionnelle et personnelle, renforçant ainsi leur autonomie et leur satisfaction (9).
Le bien-être comme priorité. La santé mentale et l’équilibre entre vie privée et professionnelle sont désormais non négociables. Les avantages sociaux (10) comme les programmes de soutien psychologique, les initiatives de bien-être et les dispositifs d’accompagnement en général ne sont pas seulement appréciés, ils sont de plus en plus attendus (11).
Une quête de sens et d’alignement. Les employés recherchent de plus en plus des rôles en adéquation avec leurs valeurs personnelles, leur conscience sociale et leur désir d’avoir un impact significatif. Les entreprises qui placent l’engagement sociétal et l’authenticité au cœur de leur stratégie atteignent généralement des niveaux plus élevés d’engagement et de fidélité (12) (13).
Le développement au-delà de l’échelle hiérarchique. Le développement professionnel est redéfini autour de l’apprentissage continu, de l’autonomisation et de la capacité à se réinventer. La motivation s’alimente à travers des opportunités d’élargir ses compétences, d’expérimenter des « mouvements latéraux » et même d’oser des réorientations audacieuses. En somme, la définition du succès s’affranchit progressivement des parcours rigides de promotion (14). 

4.  LEADERSHIP, LE DÉFI DES ORGANISATIONS AXÉES SUR LE SENS ET LES PRÉMICES DE LA PROCHAINE GRANDE DÉMISSION

Un des défis majeurs est que, si les individus recherchent de plus en plus un travail porteur de sens, l’alignement entre leurs valeurs personnelles et les objectifs des organisations reste complexe et souvent insaisissable. Or, l’enjeu est de taille : le désalignement engendre la désillusion, créant un sentiment de perte de sens dans un environnement déjà anxiogène et dominé par la technologie.

Pour les dirigeants et les décideurs, la tâche est ardue et semée d’embûches. Si les stratégies axées sur le sens et la durabilité sont largement plébiscitées, elles se heurtent souvent à la pression des investisseurs et aux objectifs financiers à court terme. Le défi fondamental consiste donc à équilibrer les aspirations de l’ensemble de la direction et du personnel avec les attentes des actionnaires et les exigences de rentabilité.

“Faire le lien entre les moteurs qualitatifs et quantitatifs est un défi majeur pour les dirigeants. En tant que cabinet d’Executive Search, nous veillons tout particulièrement à écouter nos clients et nos candidats et à créer des collaborations qui favorisent à la fois l’épanouissement et la performance.”  Jean-Michel Lucas

Les questions complexes nécessitent des solutions adaptatives et spécifiques à chaque contexte. Les cabinets de recherche de personnel dirigeant peuvent jouer un rôle clé en favorisant des discussions transparentes et collaboratives sur la motivation et en aidant à identifier des stratégies équilibrées pour traiter les principales sources d’insatisfaction – telles que le désalignement, le style de management et de leadership, le manque d’autonomie ou encore la peur de l’obsolescence – qui affectent à la fois la performance et l’« expérience employé » (15).

LA VOIE À SUIVRE : ABORDER LE PROBLÈME ENSEMBLE
Ce travail commence dès la structuration du processus de recrutement. Il ne s’agit pas simplement de cocher des cases en alignant les compétences d’un candidat avec un descriptif de fonction.

L’enjeu est d’identifier et d’aborder les problèmes d’alignement dès le départ. L’importance d’un processus minutieux de « briefing » ne saurait être trop soulignée, s’appuyant sur une analyse en profondeur de la culture organisationnelle, du leadership et de la stratégie. Comprendre l’interconnexion entre ces dimensions permet d’identifier des dirigeants et managers qui ne se contentent pas d’exceller sur le papier, mais qui résonnent également avec les valeurs et les objectifs fondamentaux de l’organisation. De la même manière, nous pouvons aider les entreprises à mieux ajuster leur proposition envers les talents en quête de sens.

> Where are the best leaders to guide cultural changes while securing implementation of the most efficient strategies?

Il s’agit de dépasser les stéréotypes et d’adopter de nouveaux critères d’évaluation. Nous allons au-delà des évaluations de carrière traditionnelles pour identifier des talents précieux qui pourraient autrement passer inaperçus. De plus, la capacité d’une organisation à s’adapter au changement est un facteur clé pour rester compétitive. En évaluant les talents selon de nouveaux critères axés sur l’adaptabilité et l’apprentissage continu, nous aidons nos clients à bâtir des équipes résilientes.

> Challenge the expected: how to see beyond generational stereotypes in hiring

> La nouvelle réalité du « talent » : comment faire face aux exigences de demain

Et enfin, il s’agit d’élargir le champ des possibles – en explorant des solutions allant du recrutement « permanent »à l’Interim Management ou aux missions liées à des projets – de manière à s’aligner sur les motivations en constante évolution des dirigeants et cadres d’aujourd’hui. Les organisations ne doivent pas se sentir contraintes par une approche unique. Nos Partners favorisent une exploration approfondie de toutes les options disponibles, assurant ainsi qu’une solution émerge de manière naturelle plutôt que d’être imposée par défaut.

> The future of executive roles in Belgium: blending interim and permanent positions

“Dans le paradigme actuel en pleine mutation, qu’on le veuille ou non, il y a un travail extraordinaire à accomplir pour assurer le bon fonctionnement de notre monde. Même si nous nous sentons démotivés par les modes actuels de contribution, il est essentiel de découvrir de nouvelles approches permettant d’inspirer et de motiver chacune et chacun.” Denis Gallant

 

Nous vous aidons à rencontrer les meilleurs talents de demain grâce à une réflexion collaborative et des solutions sur mesure.

Contactez-nous:

Ineke ARTS | ia@hoffman.be
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(1) European Data Journalism (blog). The great turnover: record resignations and job vacancies in Europe. [online] https://www.europeandatajournalism.eu/cp_data_news/the-great-turnover-record-resignations-and-job-vacancies-in-europe/
(2) De Tijd, 40 procent meer jonge werknemers al minstens een jaar buiten strijd. [online] https://www.tijd.be/ondernemen/hr/40-procent-meer-jonge-werknemers-al-ruim-jaar-buiten-strijd/10573893
Heskett, J. (2024). Do people want to work anymore? Harvard Business Review. [online] https://hbswk.hbs.edu/item/do-people-want-to-work-anymore
(3) De Tijd, 40 procent meer jonge werknemers al minstens een jaar buiten strijd. [online] https://www.tijd.be/ondernemen/hr/40-procent-meer-jonge-werknemers-al-ruim-jaar-buiten-strijd/10573893
(4) Husson-Traore, A.-C. (2021, March 15). Emmanuel Faber chez Danone, Paul Polman chez Unilever, deux dirigeants immolés sur l’autel de la rentabilité. Novethic. /Berkenbaum, C. (2021, March 15). Emmanuel Faber et Danone, c’est bien fini. L’Echo / Quoidbach, S. (2023, December 16). Emmanuel Faber: La transition nécessitera de revoir la place de l’alimentation dans nos modes de vie. L’Echo / Massoudi, A. (2018). Unilever chief Paul Polman blindsided by investor revolt. Financial Times.
(5) Lysova, E.I., Tosti-Kharas, J., Michaelson, C. et al. Ethics and the Future of Meaningful Work (2023). Introduction to the Special Issue. J Bus Ethics 185, 713–723. https://doi.org/10.1007/s10551-023-05345-9
Mortimer, S.A. (2023). What Makes Work Meaningful? J Bus Ethics 185, 835–845. https://doi.org/10.1007/s10551-023-05356-6
(6) Ibid. Lysova, E.I., Tosti-Kharas, J., Michaelson, C. et al. (2023). Ethics and the Future of Meaningful Work Introduction to the Special Issue. J Bus Ethics 185, 713–723. https://doi.org/10.1007/s10551-023-05345-9
(7) Celbiş, M. G., Wong, P. H., Kourtit, K., & Nijkamp, P. (2023). Job satisfaction and the ‘Great resignation’: An exploratory machine learning analysis. Social Indicators Research, 170(3), 1097-1118.
(8) Graveleau S. (2024, 11 décembre), Il avait tout pour être heureux. Qu’est-ce qu’on a raté ? Paroles de parents bifurqueurs. Le Monde. [online] [https://www.lemonde.fr/campus/article/2024/12/11/il-avait-tout-pour-etre-heureux-qu-est-ce-qu-on-a-rate-paroles-de-parents-de-bifurqueurs_6441567_4401467.html
(9) Suprayitno, D. (2024). The Great Resignation: Reimagining Work and the Future of HR. Management Studies and Business Journal (PRODUCTIVITY), 1(4), 687-694.
(10) Escosura, P.D. (2023). Monetary Incentives Versus Fringe Benefits: The Motivation Behind Generation X and Millennial Employees. Advanced Qualitative Research.
(11) Lysova, E.I., Tosti-Kharas, J., Michaelson, C. et al. Ethics and the Future of Meaningful Work (2023). Introduction to the Special Issue. J Bus Ethics 185, 713–723. https://doi.org/10.1007/s10551-023-05345-9
(12) Mc Kinsey Insights (2020). Help your employees find purpose or watch them leave. [online] https://www.mckinsey.com/capabilities/people-and-organizational-performance/our-insights/help-your-employees-find-purpose-or-watch-them-leave?cid=eml-web
(13) Walt, V. (2022, January 18). With the state of the world in the hands of big business, some executives think it can pay to do good. TIME. Retrieved from https://time.com/6121684/emmanuel-faber-danone-interview/
(14) Vo, T.T., Tuliao, K.V., & Chen, C. (2022). Work Motivation: The Roles of Individual Needs and Social Conditions. Behavioral Sciences, 12.
(15) Ignatius, A. (2024, November). Preventing the next great resignation. Harvard Business Review. [online] https://hbr.org/2024/11/preventing-the-next-great-resignation Anicich, E., & Lindsley, D. (2024, November). Reimagining work as a product. Harvard Business Review. [online] https://hbr.org/2024/11/reimagining-work-as-a-product